DOSSIER DE PRESSE
Parcours art et art de vivre – Mars – avril - mai 2007 – vol. 12- numéro 4
Avec le temps
Robert Bernier
Peindre. Cette action, qui n’a rien de technologique et qui est en définitive toute simple, peut se révéler, lorsque pratiquée sans complaisance, être une véritable quête identitaire pour l’artiste et le spectateur. Et ce, dans toute la splendeur du choc entre la simplicité et la complexité. Une grande collision des contraires d’où naîtra alors cette curieuse aventure intérieure qui a comme véhicule la réalité sensible des êtres et comme moteur, le nécessaire éveil des sens, voire de l’être entier. Pour le créateur, peindre est un acte de présence, tout comme voir l’œuvre pour le regardeur .Un constat de l’état du monde à un moment précis de l’existence.
Si vous êtes amateur de peinture, si les arts visuels sont pour vous une fabuleuse porte d’entrée vers la perception de multiples réalités, alors les œuvres de Julie Arkinson vous combleront. Cette jeune femme a assurément un talent de peintre indéniable. Un talent au service d’une quête personnelle qui cherche tant à «mesurer» les réalités qu’à les révéler car son travail démontre bien que le réel n’est peut-être pas aussi figé qu’il semble l’être au premier regard.
Elle peint sur le même papier qu’utilisent les architectes, lui procurant ainsi un contact tout à fait particulier avec le support, ce qui est important pour son processus de création. Surtout, cela lui donne accès à des transparences et à des nuances tonales primordiales dans son approche artistique. Une approche teintée par sa sensibilité, si fine, à fleur de peau même. De façon générale, le personnage est au centre de chacune de ses œuvres et le dessin y occupe une place capitale, d’abord par affinité – Julie Arkinson a étudié avec l’artiste québécois bien connu, David Moore. Avec lui elle a découvert la puissance de ce médium si utilisé à bon escient. Ensuite, le dessin représente pour elle le transmetteur idéal du contact étroit et sensible qu’il rend possible avec le corps. Vous devinez que Julie Arkinson utilise le dessin comme un prolongement d’elle-même, et c,est certainement ce qui explique la vigueur de l’émotion et la dimension dramatique de haut niveau qui s’impriment dans chacune de ses œuvres.
Julie Arkinson travaille à partir de modèles vivants ou d’images prises au fil de ses errances. Il lui est arrivé également de travailler à partir de d’un tableau de maître et elle affectionne tout particulièrement Henri de TOUlouse-Lautrec. Elle s’inspire alors d’un élément du tableau, le plus souvent un personnage, et elle se le réapproprie. Ses œuvres les plus troublantes et les plus puissantes sont toutefois celles où l’artiste est elle-même le sujet. C’est là que l’expression nous transporte vers des contrées intérieures insoupçonnées par la seule force du propos, tant plastique que philosophique. Ce propos est directement lié aux notions fondamentales de l’existence, notamment le temps, sa nature ou sa manifestation. Chacune des œuvres de Julie Arkinson s’intéresse à notre perception du temps, à la manière dont nous le subissons, à sa nature volatile, aux traces qu’il laisse sur tout, partout et en tout.
Arkinson, dans sa façon de triturer la matière, la ligne et la forme, traduit le temps et sa fugacité avec beaucoup d’aplomb et de senti. L’artiste traite d’un sujet qu’elle connaît bien. Sa peinture devient réflexion sur le sujet, une réflexion qui porte au-delà du premier degré, une réflexion qui l’habite depuis longtemps. Le temps n’a de sens que s’il y a de la vie. Le temps et la vie ne peuvent exister l’un sans l’autre. Cette grande danse macabre cache plus de chose qu’elle n’en révèle.
L’une des œuvres les plus achevées de l’artiste est sans nul doute son Autoportrait (Départ X). Une grande œuvre verticale, très intimiste, traitée avec une sensibilité extrême, que l’on remarque trop rarement en art, d’ailleurs. Un grand moment d’intensité. Cette œuvre nous laisse une impression troublante et fascinante à la fois, qui nous habite encore longtemps après l’avoir vu.
Le thème de sa dernière série, présentée jusqu’en mars au Musée de Mont-Saint-Hilaire, porte sur les départs et comblera les plus exigeants. Il y a là autant de simplicité que de complexité, de questionnement amené avec sobriété sur la finalité des choses. Sur cette sempiternelle transformation de la vie, sur ces petites morts qui précèdent la grande. Avec le temps, va, tout s’en va…
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