DOSSIER DE PRESSE
Parcours art et art de vivre – Printemps 2005 – vol. 11- numéro 1
La mémoire de la présence et…de l’absence
Robert Bernier
Et tourne, et tourne, tourne la terre. Il en est ainsi depuis des millénaires. Depuis tellement longtemps que nul ne sait avec exactitude quand, et depuis quand, s’animent des myriades d’êtres vivants dont nous sommes pour l’instant les survivants…Jusqu’où cela ira-t-il ? Combien de temps encore durera ce manège ? Cela non plus, personne ne le sait. On sait seulement que, forcément, il a eu des premiers et que, par la force des choses, il y aura des derniers. Pour le reste, on cherche ; l’humanité entière cherche depuis toujours à répondre à ces questions et à combien d’autres tout aussi mystérieuses. Mais dans quelle galère nous sommes-nous embarqués?
Question existentielle ? Soit ! Certains ne veulent pas y penser de toute leur existence, tandis que d’autres y consacrent leur vie et une part importante de leurs énergies. Jule Arkinson fait partie de ces derniers. Artiste, elle voit depuis toujours ses origines et sa finalité l’interpeller. L’art est devenu son moyen d’investigation, la peinture son outil. « Le temps, l’éphémère, m’ont toujours fascinée, voir troublée. Avec Éphémérides, une série que j’ai réalisée et exposée après un séjour en Toscane, j’ai eu l’impression de franchir n pas de plus dans une quête qui en comptera plusieurs autres. J’avais aussi, un an plus tôt, été invitée par la troupe Les éternels pigistes à composer les tableaux de l’espace scénique pour leur soirée de lecture dont le thème était le deuil sous toutes ses formes et manifestations. J’ai donc réalisé pour cet événement quatre grands formats. Maintenant, je m’apprête à présenter mes oeuvres récentes à la galerie Artis à Boucherville, une nouvelle production intitulée Corps de mémoire. » « Une rupture ou une suite de la série Éphémérides ? » « Une suite, dans la mesure où la thématique du temps et du passage, la dimension éphémère de la vie et de toute chose, demeure bien présente. Cependant, la manière de traiter le sujet est différente. L’été dernier, j’ai travaillé à la campagne. Un jour de juillet où je me baignais, je me suis séchée sur une plateforme en bois, et en me levant j’ai constaté que mon corps avait laissé une trace, une trace très étrange que je ne m’imaginais pas, en ce sens que son impression était davantage celle de l’intérieur que celle de mon corps lui-même. Et là, tout l’après-midi, je me suis baignée et j’ai fait des empreintes sur le sol. C’est de cette manière un peu insolite que cette série est née. Le thème que j’explore dans ces œuvres est les traces laissées sur le corps autant que dans le corps, et les traces laissées par le corps. »
« De quelle façon travaillez-vous ? » « Sans entrer dans les détails, je dirais que je travaille beaucoup par juxtaposition et superposition. Au fur et à mesure que l’œuvre prend forme, j’ajoute, je révèle, je dévoile ou, au contraire, je cache. C’est comme dans la vie : on choisit d’aller quelque part, et parfois les événements nous y conduisent, mais toujours, devant le regard de l’autre, on laisse paraître des choses on en dissimule d’autres. Pour cette série, je me suis aussi inspirée de personnages que l’on trouve dans les œuvres de Toulouse-Lautrec, Degas, Picasso dans sa période bleue, des personnages qui sont pour moi de merveilleux exemples de l’effet du temps sur le corps, sur l’individu et sur son devenir. Sur le plan de l’approche plastique, cette série garde une certaine influence de mon travail en gravure. J’ai commencé à graver après mon exposition à Clair-obscur avec Alain Piroir, un véritable maître dans ce domaine. Et si déjà ma peinture appelait la gravure, une fois que je me suis initiée, elle s’en est encore enrichie. Jamais je n’aurais pu imaginé que ma démarche en peinture avait autant d’affinité avec la gravure. »
« Il ne nous reste qu’à visiter cette exposition pour parcourir avec vous cette merveilleuse réflexion sur le temps et le corps. »
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